2ème grande enquête, des Actes aux lettres - chronologie des Actes - Une marche logique et inexorable ou la mécanique des Actes

2 – Une marche logique et implacable ou la mécanique des Actes

Élucidation faite sur des mots, on peut plus sereinement avancer dans ce qui constitue le fond même des Actes d'Apôtres.

Ce livre se compose de deux grandes parties distinctes, bien qu'elles ne soient pas marquées, mais contiguës, – la deuxième prolongeant la première, en étant rien que la continuité logique. On le verra plus tard, ces deux parties se caractérisent par deux espaces chronologiques très différents.

Entrons plus avant dans le sujet.

On a dit que dans la première partie des Actes d'Apôtres la congrégation judéo-chrétienne s'organisait, et avec celle-ci l'évangélisation qui de destinée d'abor au Juifs de Jérusalem et de Judée va passer aux Juifs de la diaspora, puis aux Gentils des nations. Cela suit la progression logique donnée par la bouche de Jésus Christ lui-même avant son Ascension.

On passe ainsi d'un état de fermeture et de conservatisme à un état d'ouverture et de réforme. Pour parler plutôt comme Jésus par images, on parlera plutôt d'un état de germination à un état d'éclosion et de développement.

Cette progression va avec une croissance exponentielle du nombre des disciples, pas encore appelés chrétiens. Ils sont comme on l'a dit des disciples judéens de Jésus Christ.

À partir de la Pentecôte de l'an 33 orchestrée d'abord par Pierre, la donne va être implicitement changée. C'est la date centrale d'où tout part et qui fonde vraiment les Actes d'Apôtres après une introduction rappelant les derniers jours avec Jésus Christ au nombre de "quarante" et indiquant un temps de prière (Chap 1: 1-14). Et c'est lors de cette Pentecôte que l20 disciples sont déjà missionnés par l'esprit saint pour évangéliser les nations, mais uniquement les juifs de la diaspora. Cependant, ces juifs élus qui sont originaires de multiples nations, et donc doués pour évangéliser dans leur langue maternelle, vont nécessairement être aptes à prêcher la Bonne Nouvelle parmi les Gentils, c'est à dire les gens des nations. C'est là déjà le caractère ambigu (sur un plan terrestre) et prémonitoire (sur un plan céleste) de cette Pentecôte: elle annonce déjà la suite, la conversion des Gentils, alors que dans l'esprit des apôtres, la Bonne Nouvelle et par conséquent le Salut ne concerne que les circoncis. Il semblent qu'ils avaient mal compris la parole de Jésus Christ disant que la Bonne Nouvelle, le Royaume, serait prêchée sur toute la terre... Il est aussi notoire qu'alors qu'un grand nombre de Juifs parlent sans doute le grec, puisque c'est la langue "universelle" de l'empire romain, ils ne soient pas missionnés pour parler en grec. Au lieu de cela, les nations vont être évangélisés dans leur langue maternelle. Cette disposition de l'Esprit saint est d'une grande logique et d'une grande force: le coeur est plus touché dans sa langue maternelle.

Bref, durant cette période – "brouillonne" sur le plan chronologique, il faut le dire, bien que cela anticipe sur la suite – est d'une grande logique et structuration sur le plan interne, évangélique.

Paul, qui s'appellera d'abord Saul dans les Actes et n'intervenant qu'à la fin du chapitre 7, n'entre en scène qu'en tant que jeune homme témoin d'un meurtre: celui d'Etienne. On apprend bientôt qu'il approuvait cet acte, avant qu'il ne soit lui-même acteur d'une grande persécution qui marque encore les Actes d'Apôtres de manière significative. Car c'est à la suite que les Juifs, c'est à dire, suggestivement les 120 élus qui étaient restés jusque là centralisés à Jérusalem sont dispersés dans les régions de Judée et de Samarie: le plan divin est en voie de réalisation. Déjà, une première étape intermédiaire avait eut lieu entre la Pentecôte et la lapidation d'Etienne qui suivit ses discours:

Or, en ces jours-là, comme les disciples se multipliaient, il y eut chez les Juifs parlant grec des murmures contre les Juifs parlant hébreu, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution quotidienne. Alors les douze appelèrent à eux la multitude des disciples et dirent: “Il ne nous plaît pas de délaisser la parole de Dieu pour distribuer [la nourriture] aux tables. Cherchez-vous donc parmi vous, frères, sept hommes qui aient un [bon] témoignage, pleins d’esprit et de sagesse, pour que nous les préposions à cette tâche nécessaire; mais nous, nous serons assidus à la prière et au ministère de la parole.” Cette parole plut à toute la multitude, et ils choisirent Étienne, un homme plein de foi et d’esprit saint, ainsi que Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timôn, et Parménas, et Nicolas, un prosélyte d’Antioche; ils les placèrent devant les apôtres, et, après avoir prié, ceux-ci posèrent les mains sur eux.

La parole de Dieu continuait donc à croître, et le nombre des disciples se multipliait considérablement à Jérusalem; et une grande foule de prêtres obéissaient à la foi. (Actes 6:1-6)

Les autres étapes après la dispersion des 120 s'enchaînent de manière toute aussi logique et à un rythme effréné:

Philippe évangélise à Samarie où il convertit un eunnuque de la reine Candace d'Ethiopie, et sur le chemin il est amené providentiellement en Phénicie (à Ashdod), ce qui dépasse déjà les bornes de la Judée et de la Samarie. Entre temps, les apôtres de Jérusalem apprenant le succès de la parole de Dieu à Samarie désignent deux d'entree eux pour y aller: Pierre et Jean. Saul alors fomente la perte de tous les hommes de la Voie (ce qu'on appellera plus tard "chrétiens") qu'il "trouverait" à Damas. À cette époque (par laquelle s'ouvre le chapitre 9 et suivant le dernier verset du chapitre 8 (Ashdod), il semble que de Phénicie la Bonne Nouvelle soit arrivée rapidement à Damas enfoncée dans les terres de l'est. Mais cette ville était-elle si peuplée de disciples que cela justifierait cette initiative accordée par le grand prêtre de Jérusalem? Il y a là un mystère. Quoi qu'il en soit, cela l'emmène parmi les Nabatéens, et dans une région encore plus éloignée; mais surtout son plan est déjoué; et au contraire, après une conversion fulgurante par vision de Jésus Christ sur le chemin de Damas et sa cécité de trois jours, il se voit soudain acteur d'évangélisation là-bas. L'étape suivante va être la rencontre de Paul et des apôtres de Jérusalem par l'intermédiaire d'un certain Barnabas "fils de consolation", Lévite originaire de Chypre. Les apôtres. Les apôtres voyant Saul parler en grec aux Juifs, qui d'ailleurs cherchent à le supprimer, l'envoient à Césarée pour qu'il retourne dans son pays natal à Tarse. Cela nous emmène assurément plus loin encore. Mais le but est sans doute initiatique. "Alors vraiment, nous dit la suite, la congrégation dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie entra alors dans une période de paix et elle se bâtissait", et "se multipliait"...

La prochaine grande étape est l'expérience de Pierre à Joppé et surtout à Césarée où l'esprit saint lui ordonne par vision d'aller. Et là, il convertit un centurion romain nommé Corneille (qui lui-même avait eu une vision, comme dans l'histoire de Saul et d'Ananias). La conséquence est fatale: Pierre est enchanté, les apôtres et les frères en Judée apprennent que "les gens des nations, eux aussi, avaient reçu la parole de Dieu". Et Pierre descendant à Jérusalem parle avec grand enthousiasme de cette expérience, de ce que la bonne nouvelle touche aussi les incirconcis.

Actes 11: 19-22 vient faire écho alors à 8:1:

Ceux donc qui avaient été dispersés par la tribulation qui était survenue à propos d’Étienne passèrent jusqu’en Phénicie, et à Chypre et à Antioche, ne disant la parole à personne, si ce n’est aux seuls Juifs. Cependant, parmi eux il y eut quelques hommes de Chypre et de Cyrène qui vinrent à Antioche et qui s’adressèrent aux gens parlant grec, annonçant la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. De plus, la main de Jéhovah était avec eux, et un grand nombre de gens qui devinrent croyants se tournèrent vers le Seigneur.

Ce qu’on racontait à leur sujet parvint aux oreilles de la congrégation qui était à Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu’à Antioche.

C'est un test. La congrégation de Jérusalem est sceptique et guère enchantée de cette perspective.

Mais les faits sont les faits. On envoie alors Barnabas chercher Saul à Tarse pour l'emmener à Antioche. Il y restera une année entière. Et on comprend que cette congrégation restera indéféctiblement attachée à tous ses voyages missionnaires. Ce sera son point de départ après avoir été missionné par la congrégation de Jérusalem. Antioche de Syrie deviendra sa congrégation centrale. Le foyer du christianisme universel. En effet, c'est là, pendant l'année qu'y passe Saul que "par une providence" les hommes de la Voie parmi les incirconcis et de culture païenne se font appeler "chrétiens"! (11:26). Le mot est lancé. Et cela va provoquer une grande polémique incarnée par les chapitres suivants et par la lettre de Paul aux Romains datant sans doute de cette période. L'action de Paul devient – en dehors des formes protocolaires par la congrégation de Jérusalem – pour ainsi dire autonome en esprit; et ainsi Saul prenant le nom de Paul (13:9) devient l'autorité emblématique des chrétiens.

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